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Cérémonie de baptême à Cannes-Écluse : quand la tradition se mêle à l’émotion

© ENSP

Catherine CHOUKROUN.  C’est le nom qu’a choisi la 25e  promotion d’officier de police, officiellement baptisée ce vendredi 23 octobre 2020, sur le site de Cannes-Écluse. Un choix novateur puisque c’est la première fois qu’une promotion d’officiers porte uniquement le nom d’une femme !

 

En présence du préfet de Seine-et-Marne et du directeur général de la police nationale (DGPN), le directeur par intérim de l’ENSP a procédé à la traditionnelle cérémonie de translation de drapeau sur la place d’arme du site de Cannes-Ecluse.

La garde-drapeau de la 24e promotion a en effet transmis le drapeau de l’ENSP à son homologue de la 25e promotion, symbolisant ainsi la continuité de la charge et des valeurs du corps des officiers au fil des générations.

Puis, cette promotion a officiellement reçu du DGPN l’éponyme de Catherine CHOUKROUN, gardienne de la paix assassinée en service le 20 février 1991, victime de coups de feu tirés depuis un véhicule alors qu'elle opère un contrôle radar sur le périphérique parisien. Agée de 27 ans, elle venait d'avoir une petite Estelle âgée de six mois et avait choisi, à son retour de congé maternité, de travailler la nuit afin de pouvoir mieux s'en occuper. Catherine CHOUKROUN, depuis vendredi dernier, a été nommée capitaine de police à titre posthume.

Cette cérémonie marque ainsi un moment fort dans l’histoire de l’ENSP, pour les officiers eux-mêmes comme pour l’Institution.

Dans son discours, le DGPN a insisté sur les valeurs qui avaient guidé l’action de Catherine CHOUKROUN, et qui devraient désormais guider celles des officiers de cette promotion tout au long de leur carrière : « Ce

choix vous honore. Il témoigne de votre sens du devoir de mémoire que nous devons tous entretenir dans notre institution. À travers Catherine CHOUKROUN, première femme policière décédée en service, vous avez choisi une figure qui incarne les valeurs de la police nationale, son sens du devoir et son abnégation. Nous ne pouvons dédier cette cérémonie aujourd’hui à Catherine CHOUKROUN, sans également penser à tous les policiers décédés en fonctions ni sans associer leurs familles à cette démarche et à ce devoir de mémoire ».

Un autre moment d’intense émotion a été la remise à Estelle CHOUKROUN, en toute fin de cérémonie, de l’épée d’officier de police gravée au nom Catherine CHOUKROUN, désormais éponyme à jamais de la 25ème promotion d’officiers de police.

 

 

 

 

Dans la nuit du mardi au mercredi 20 février 1991 , un équipage de la compagnie de circulation urbaine de la préfecture de police a établi un point de contrôle radar fixé sur la bretelle d'accès de la Porte de Clignancourt dans le 18e  arrondissement de Paris .

À 1h24, un véhicule monté par trois individus, dont une femme assise à l'arrière, circule à faible allure et finit par s'arrêter à hauteur de la Peugeot 405 des policiers comme pour demander un renseignement. La gardienne de la paix assise côté passager n'a pas le temps d'abaisser la vitre : deux tirs de chevrotine retentissent

Une première gerbe de projectiles atteint mortellement à la tête Catherine Choukroun , âgée de vingt-sept ans. La deuxième décharge blesse grièvement à l'épaule son équipier, Émile Hubbel . Les malfaiteurs prennent aussitôt la fuite, repérés par un taxi parisien.

Ce lâche assassinat, provoque une forte émotion aussi bien dans la profession que dans la sphère publique : la jeune femme est la première policière tuée en service en France.
Très investis, les enquêteurs vont redoubler d'effort pour retrouver la trace des meurtriers ; mais faute d'indices précieux ou de témoignages sérieux, les pistes s'amenuisent et ne mènent nulle part. La piste se fige sur un petit véhicule de type Austin Metro immatriculé dans les Hauts-de-Seine, monté par deux hommes et une jeune femme. Ils resteront insaisissables pendants six longues années.

À la fin de l'année 1996, un renseignement déterminant fourni par une indicatrice à un policier de la brigade des stupéfiants de Seine-Saint-Denis amène les enquêteurs sur la piste d'une jeune prostituée et d'un ancien détenu se vantant d'être l'auteur du coup du périph' .

Ainsi, le 17 Juin 1997 , la brigade criminelle identifie trois suspects ; en premier lieu, elle interpelle Nathalie Delhomme  alias Johanna , trente-cinq ans. Cette ancienne prostituée de la rue Saint-Denis, toxicomane et accessoirement propriétaire d'une Austin Metro immatriculée dans les Hauts-de-Seine, est interpellée dans la région du Vercors où elle dit avoir refait sa vie. Devenue mère de famille, la jeune femme craque et désigne formellement le tireur assis à la place passager : Aziz Oulamara  dit Jacky , trente-neuf ans, proxénète. Interpellé à son tour, ce dernier rejette la responsabilité sur son acolyte placé au volant selon le témoignage de Delhomme : Marc Pétaux , quarante-et-un ans.

L'enquête établie que le trio alcoolisé et sous l'emprise de drogues cherchait à se procurer de l'héroïne. L'idée de tirer sur le véhicule de police serait venue par défi, après être passé une première fois devant le point de contrôle radar.

Le 15 Septembre 2000 , au terme d'un procès difficile, sans mobile objectif et en l'absence de témoins fiables, la cour d'assises de Paris condamne Oulamara et Pétaux à vingt ans de réclusion criminelle pour assassinat et tentative d'assassinat sur agents de la force publique.  Delhomme est acquittée.

Le 29 Novembre 2001 , statuant en appel du jugement, la cour d'assises du Val de Marne acquitte Pétaux mais confirme la peine prononcée contre Oulamara. Son pourvoi en cassation est rejeté deux ans plus tard et sa peine définitivement confirmée.

[Sources : policehommage.blogspot.com]

Le commissaire Philippe DUSSAIX est chef de la division « management, déontologie, éthique et communication » à l’ENSP. Il a travaillé sur l’affaire CHOUKROUN et s’en souvient comme si c’était hier. « C’est une affaire qui a beaucoup compté pour moi » , confie-t-il. Au début de notre entretien il prend un énorme classeur, mémoire de ses plus grosses affaires, et en sort quelques photos et documents. Il raconte : « J’étais à l’école d’inspecteur à l’époque des faits. C’est une histoire dramatique qui nous a beaucoup marqué. La première femme flic à se faire tuer en service, à son retour de congés maternité, sur une vacation qu’elle ne devait pas effectuer au départ… Un horrible assassinat, complètement gratuit ! Comme quoi, ça existait déjà à l’époque… Je n’oublie pas ».

À quel moment intervenez-vous dans l’affaire ?

« J’ai travaillé sur la résolution de ce crime. J’ai intégré la brigade criminelle en 1994, et, en 1997 j’ai changé de groupe. Le jour de mon arrivée, un collègue reçoit un coup de fil et me dit : « on vient d’avoir un tuyau, viens on y va ». Une mère maquerelle avait des informations sur une prostituée de la rue Saint-Denis qui aurait été dans la voiture ce soir-là ! Elle nous a donné un fil sur lequel on a tiré pour dénouer cette affaire ».

Sans cette mère maquerelle rien ne se joue alors ?

« Non ! Quand je suis arrivé on n’avait rien ! Cela a été un dossier monté aux forceps, des années après les faits. Il nous a fallu plusieurs mois de travail pour remonter la piste de cette prostituée puis des deux hommes qui l’accompagnaient ce soir-là. Elle a fini par lâcher, à demi-mot ».

  Un soulagement ?

« Immense ! C’est rare qu’on arrive à sortir des affaires comme ça, sans aucun élément matériel. On en a fait des heures… La rue Saint-Denis, je la connais par cœur !  La satisfaction est énorme, et encore, je ne suis arrivé qu’à la fin. Le chef de groupe, lui, a été encore plus marqué. Si vous aviez vu le nombre de procès-verbaux...tout le travail payait enfin ».

On vous voit sur les photos de la reconstitution… Racontez-nous.

« On avait bloqué le périph’ pendant des heures, il faisait très froid... Nous avions ramené le véhicule dans lequel se trouvaient Catherine CHOUKROUN et Émile HUBBEL. Nous voulions savoir notamment comment était positionné le tireur au moment des coups de feu. Mais nous n’avons jamais eu le fin mot de l’histoire. Les suspects n’ont jamais avoué et Nathalie Delhomme a toujours prétendu n’avoir rien vu. Très alcoolisée et endormie elle a dit avoir seulement entendu les coups de feu ».

Qu’avez-vous pensé lorsque vous avez su que la 25e  promotion d’officiers de police porterait son nom ?  

« J’ai été surpris mais j’ai trouvé ça remarquable ! Que ça ne soit pas oublié, qu’on pense encore à elle, je trouve ça génial. C’est une affaire symbolique de ce que peut être notre métier et des difficultés auxquelles nous pouvons être confrontés, bravo pour ce choix ! »

 

 

 

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