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« Il faut apprendre à ralentir le temps »

Tout est une question de temps ! Avec Bernard GLOPPE, dirigeant de la société lyonnaise TEMPS GAGNANT, les élèves de la 71e promotion de commissaires de police ont appris à ne plus se laisser rattraper par le temps. Une formation précieuse pour les futurs cadres de la police nationale, toujours très sollicités.

Quand et comment bien travailler ? Adopter de nouveaux comportements face au temps pour gagner en efficacité, tel était l’objectif de cette rencontre avec le coach en entreprise. Une formation qui donne de la méthode et quelques astuces pour faire de son temps un allié. Pour mieux comprendre, nous sommes allés à la rencontre de Bernard GLOPPE.

 

Vous avez l’habitude de dispenser vos précieux conseils pour ne plus courir après le temps. Ce sujet est-il abordé différemment avec des policiers ?

A priori il n’y a pas de raison d’aborder la question différemment avec des policiers car le temps est universel, inamovible, donc il n’est pas différent pour les policiers… et pourtant si ! Les policiers sont extrêmement soumis aux aléas, aux imprévus… Ils doivent savoir à la fois gérer leur temps mais aussi savoir répondre à l’ensemble de ces imprévus pour lesquels ils sont sollicités. L’angle de ma présentation est par conséquent un peu différente mais les règles sont les même.

En sept ans de collaboration à l’ENSP, vos interventions ont-elles évolué ?

Oui, nous challengeons chaque année comment transmettre le bon message aux commissaires, mais la seule chose qui a bousculé et évolué c’est le numérique qui prend une part de plus en plus prépondérante dans le fonctionnement des uns et des autres. La mise en œuvre et l’addiction aux outils numériques est une vraie priorité à prendre en compte dans l’organisation de son temps aujourd’hui. J’insiste donc un peu plus sur le fait de ne pas oublier d’être en connexion seulement quand c’est utile. Savoir ne pas se mettre en connexion de façon permanente, de manière à pouvoir gérer ce que l’on a besoin de gérer. Ça c’est une évolution sur laquelle nous devons être attentifs.

Entrons dans le vif du sujet ! Qu’avez-vous suggéré aux élèves commissaires ce matin ?

Nous avons abordé trois angles principaux. Le premier était avant tout de la méthodologie. Avoir un agenda et savoir le remplir avec un certain formalisme. Cela peut paraître simplissime et pourtant souvent ces notions sont nouvelles pour un grand nombre. La première chose est de ne pas remplir ses journées à 100 % du temps pour laisser la possibilité à des évènements impondérables d’arriver. Il faut laisser une place assez conséquente à de l’imprévu potentiel (environ la moitié ou un tiers de sa journée). Le reste du temps devra être réparti avec des temps de trajets notés, des temps de réunion et de rendez-vous formalisés et enfin des temps de rendez-vous avec soi-même. Une note de service à rédiger, un travail à produire, des tableaux à compléter, un Powerpoint à préparer… etc. Tout ce qui relève d’une « to do list », doit être inscrit dans l’agenda !

Ensuite il y a des règles à mettre en place. Dans la dimension du temps, le management et la communication ont une importance énorme. Un ordre qui n’est pas donné, en partant en catastrophe aura des conséquences négatives. Si le management n’est pas efficient et la communication absente, les écarts de temps seront phénoménaux, car les personnels se retrouvent à faire des choses qui ne sont pas les bonnes ou pas celles qui sont attendues.

Enfin, j’ai insisté sur la prise en compte de sa vie. Le fait d’être commissaire ne m’astreint pas à une logique de présentéisme permanent. Je suis ici pour confier des missions et donc mon travail n’est pas d’être un donneur d’ordre mais d’être un porteur de sens. Il faut savoir définir ce sur quoi je dois agir, avec qui et comment cela doit se dérouler dans le temps.

Vous parlez de management. Les cadres de la police nationale, managent des hommes et des femmes. Comment la gestion du temps peut-elle être efficace pour soi mais aussi pour les autres ? Un commissaire peut-il intervenir dans la gestion du temps de ses équipes ?

Cela dépend de comment le commissaire manage ! Si c’est un management directif et qu’il veut garder un œil sur tout, il va peut-être avoir beaucoup de peine à traiter les actions qui sont les siennes. Alors que s’il délègue, s’il confie des missions, s’il responsabilise ses agents… le fonctionnement prendra une toute autre dimension. Il faut à mon sens commencer par soi et avoir une logique qui n’est pas égoïste mais que j’appelle le respect de soi. C’est un travail d’écologie personnelle.

Gagner du temps et ne pas en perdre n’est pas la même chose ! Comment faire la distinction au quotidien ?

La réponse est très simple ! Gagner du temps c’est déjà savoir quel est l’objectif de ma journée. Est-ce que cet objectif est réaliste ? Si oui, il y a des chances que je gagne du temps ! Tout simplement parce que je vais faire ce que j’ai décidé de faire et ça n’est pas trop par rapport à ce qui serait normal de faire ! Je passe un contrat avec Moi-même pour quelques actions définies à produire dans ma journée, et ne pas perdre du temps c’est savoir se focaliser sur les actions essentielles. Ne pas se laisser perturber et subir le temps que vous imposent les autres.

Dans un monde dominé par l’immédiateté, que faut-il éviter à tout prix ?

On est dans l’immédiateté car nous sommes dans la précipitation et dans l’empressement. Aujourd’hui, pour parer ces comportements il suffit d’une phrase : apprendre à ralentir le temps du quotidien. C’est fondamental. Dans tous les métiers que je rencontre, ceux qui s’en sortent ne sont pas ceux qui accélèrent le mouvement mais ceux qui ralentissent le temps du quotidien.  Il faut prendre du recul, de la hauteur pour avoir la clarté d’esprit suffisante pour réagir.

Parlons de vous… Comment/pourquoi en êtes-vous arrivé à vous spécialiser dans la gestion du temps ?

J’ai toujours eu les gênes de l’organisation dans la peau ! (rires) De mes 15 à mes 25 ans j’ai organisé des évènements de toute nature, que ce soit des soirées pour 20 ou 1500 personnes ! Un jour je suis tombé en formation sur la gestion du temps et je me suis dit que c’était ce que je voulais faire. J’ai donc arrêté mon travail de commercial et de directeur d’agence pour rentrer dans le monde de la formation. Ensuite je suis devenu coach et superviseur de façon à agrémenter un peu plus mon travail.

Vous intervenez pour quel type d’entreprise ?

Tout ! Des petites, des grandes, des très grandes, à l’international comme en France. Je travaille dans tous les coins du monde.

La gestion du temps est-elle différente en fonction des pays ?

Tout le monde n’a pas la même notion du temps. Lorsque j’ai fait des formations en Afrique j’ai constaté que les personnels au fonctionnement occidental sont déstabilisants pour les africains qui ont une toute autre notion du temps… Là-bas il y a un adage qui est : « vous avez la montre, nous avons le temps » !  On se rend compte aussi que dans certains pays la notion du temps est liée à un fonctionnement du travail exacerbé. C’est le cas dans les pays asiatiques. Dans d’autres pays, le temps est extrêmement bien réparti et segmenté, avec des gens qui prennent le temps de vivre, comme au Canada, aux États-Unis ou encore dans le nord de l’Europe. Nous, les latins, nous mêlons tous les temps entre eux, et, au final, on ne sait plus ce qui est de l’ordre du travail ou d’une autre activité. C’est ce qui fait que nous passons une énergie furieuse à répondre à des mails à des moments où nous ne sommes plus au travail.

À la fin de sa vie il est assez intéressant de se demander : est-ce que j’ai passé toute ma vie à travailler ? Est-ce que j’ai passé ma vie à faire un travail que j’aime ? Ou est-ce que j’ai aussi passé ma vie à faire d’autres choses avec des personnes que j’aime ?

Voyez-vous une évolution dans la façon dont les gens prennent le temps ces dernières années ?

Non, ça a encore beaucoup de mal à bouger ! Heureusement il y a une génération de trentenaires qui commencent à prendre le temps de manière différente. La Covid aussi a bien aidé à modifier les comportements de ce côté-là. Mais les résistances persistent bien souvent au niveau des entreprises.

Comment domptez-vous votre temps dans une entreprise qui analyse celui des autres ?

Quand j’ai créé notre société, ma première philosophie était de vivre et de transmettre ce que je vivais pour montrer que c’était possible de le faire ! Ce qui amène des choix extrêmement importants dès le départ. Je pourrais avoir une société beaucoup plus grosse, gagner beaucoup plus d’argent avoir plus de collaborateurs, de finances et de soucis ! Mais en définitive ce n’est pas la vie que je veux. J’ai choisi d’avoir une vie dans laquelle j’ai la maîtrise de ce que je fais. Ceux qui sont avec moi savent dans quelle mesure on travaille et on s’investit, mais on sait s’arrêter pour pouvoir faire autre chose et profiter de la vie, ce qui est fondamental.  Nous n’avons qu’une seule vie, il faut en profiter tout de suite !

Quels sont les principaux atouts d’un homme ou d’une femme bien dans son temps ?

C’est une personne qui a suffisamment de rigueur avec elle-même et qui partage la vision de son temps et du temps attendu par ses collaborateurs. Elle sait aussi donner une mesure saine quand c’est nécessaire et une mesure accélérée quand il le faut. Une mesure saine du temps c’est ne pas faire de présentéisme à tout prix. Par contre, quand il y a le feu, tout le monde est présent sur le pont !  En fait c’est un temps managé ! Managé pour soi mais aussi pour les autres.

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