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Comment agir ensemble ? La gestion de crise au cœur des débats à l’ENSP

© CJCS

Signe que le partenariat est florissant, l’ENSP a de nouveau accueilli un colloque proposé par le Club des Jeunes Cadres en Sûreté (CJCS), consacré, cette fois, à la gestion de crise. Une soirée thématique au cours de laquelle les participants ont tenté de répondre à la question suivante : comment agir ensemble?

Dans un premier temps, les participants ont pu échanger avec Jean-Yves NOISETTE, contrôleur général, chef d‘état-major interministériel de zone à la préfecture de la zone de défense et de sécurité sud-est, et le professeur Patrick LACLEMENCE, directeur du centre de recherche de l’ENSP.

Enfin, Boris Berger, de la société « WaryMe » , a présenté les solutions opérationnelles proposées par son entreprise. La start-up Rennaise est spécialisée dans le développement de solutions mobiles pour renforcer la sécurité des personnes.

 

La crise est une défaillance du processus décisionnel

© ENSP

Pour Jean-Yves NOISETTE, la crise ne se gère pas elle se prépare ! Point par point, il a expliqué aux participants comment aborder une situation de crise, et surtout insisté sur l’importance de la prévention.« La crise est une défaillance du processus décisionnel. Heureusement, le quotidien des forces d’intervention n’est pas la crise. Cette dernière survient lorsqu’au cours d’un évènement, des éléments nouveaux apparaissent, et avec eux des incertitudes. Si on ne sait pas lever les incertitudes, on ne sait pas décider et si on ne sait pas décider on peut basculer dans une situation de crise. Mais tant que vous êtes en mesure de prendre une décision et de mettre en place une action, vous n’êtes pas en situation d’extrême difficulté » , a déclaré l’ancien directeur de SDIS en préambule de son intervention. L’homme qui raconte avoir partagé son temps entre feux de forêts et inondations durant vingt ans poursuit ainsi :

« Pour éviter la crise, en plus du management de la situation, il faudra mettre en place plusieurs types de communications : une communication technique [que se passe-t-il, qui fait quoi, où…] scientifique [via la parole d’experts identifiés], sociale [identifier le nombre de victimes, de décédés, d’urgences absolues, d’urgences relative etc.] et politique. De façon à répondre à toutes les contraintes qui pèsent sur la cellule de décision. Bien sûr, en dehors de les classifier il faut que ces communications soient claires, coordonnées, régulièrement assurées et cohérentes les unes par rapport aux autres ».

 

Miser sur la prévention

Jean-Yves NOISETTE se veut très attentif au travail qui est fait, en amont, en matière d’évitement de crise. Proposer une analyse des risques et ensuite procéder à la prévention des risques avec les industriels ou les responsables concernés est incontournable. Viendra ensuite le temps des prévisions, à savoir définir une organisation si les sinistres surviennent malgré tout ! Mais pour le contrôleur général, associer le citoyen à la démarche de prévention des risques a forcément des effets bénéfiques sur les actions des services de secours. 

« Il y a un vrai problème d’acculturation. J’ai eu l’occasion d’effectuer deux missions en Suède. Là-bas quand on fait un exercice de sécurité civile autour d’une centrale nucléaire, et qu’on décide de boucler la zone, tout le monde est confiné pendant une journée ! En France, on met des brassards à ceux qui jouent l’exercice, on ne doit pas gêner ceux qui ne jouent pas, les magasins ne participent pas pour des raisons économiques et certaines classes décident de ne pas interrompre une activité piscine prévue ce jour-là. Nous n’avons pas cette culture. À tel point que lorsque la sirène sonne une fois par mois et qu’on pose la question de son origine, la réponse est « c’est le premier mercredi du mois ». On ne sait même pas expliquer la distinction entre une sirène d’alerte et une sirène de fin d’alerte, ni quelles sont les mesures à prendre lorsqu’on entend cette sirène ».

 

Agir ensemble ?

Pour Jean-Yves NOISETTE la question ne se pose même pas ! Policiers, gendarmes, pompiers, militaires, citoyens et politiques sont au cœur des questions de sécurité. S’y ajoutent aujourd’hui tous les nouveaux acteurs de la sécurité : les entreprises de sécurité privées. Se soucier de la relation entre les citoyens, les acteurs professionnels et les décideurs pour trouver la juste articulation est une évidence.  « Ce n’est pas moi qui l’ai inventé : tout seul on va vite mais ensemble on va loin ! » , confie le contrôleur général, avant d’ajouter : 

« Lorsqu’au festival d’Avignon, pendant 3 semaines, plus de 1 000 spectacles sont proposés dans 150 salles différentes mais aussi en plein air… si les acteurs privés de la sécurité ne sont pas avec nous pour le contrôle des salles, pour filtrer les entrées, pour la vérification du maintien de la jauge… ça ne peut pas fonctionner !  Agir ensemble, je pense que c’est la solution ! On ne peut plus gérer les crises comme par le passé, chacun de son côté avec son focus, dans son tunnel, avec ses propres considérations. Nous sommes obligés d’élargir ».

« Dans un moment de panique, il n’est plus question de contraintes »

Les propos de Patrick LACLEMENCE, ancien CRS et professeur d’université ont fait écho à ceux de Jean-Yves Noisette.

«  Je ne vais pas vous parler de la gestion de crise mais plutôt regarder ce qu’il passe au plus près de la crise ».  

Pour cela, il a utilisé l’image d’un homme tendant les bras vers l’univers, dans chaque direction. 

 « J’aurai beau tendre les bras le plus loin possible, je ne pourrai jamais atteindre les bords. Ce qu’il me reste à faire c’est de savoir qui je suis et où je suis. Une fois que je sais ça, je vais devoir m’adapter aux contraintes, y adhérer, les intégrer, les comprendre, les négocier. […] Si j’aborde ce sujet c’est parce que je veux faire la différence entre la mission et la gestion. Quand vous êtes dans un moment de panique, [l’universitaire illustre son propos avec des images de mouvement de foule] il n’y a plus d’histoire de contraintes. Vous redescendez au plus profond des instincts. Vous êtes même prêts à marcher sur le voisin d’à côté ou à le tuer. À ce moment-là, la crise est énorme, tout s’affaisse. Dans les paniques les plus extrêmes la crise est très difficile. Peut-on alors parler de gestion de crise ? Nous voyons bien qu’entre « gestion » et « crise » il y a un problème »  !

© ENSP

L’universitaire a ensuite tenu à différencier trois types de crises. La plus usuelle qu’est la crise de rupture. Celle qui s’inscrit dans « la minute d’après ». Lorsqu’un évènement survient, il y a alors un passé, un avenir et un présent à gérer. « Mais dans ce présent vous ne pouvez pas être dans la gestion, vous êtes dans la mission. C’est à ce moment qu’arrivent les acteurs d’autorité (policiers, pompiers, etc.) Comment alors raccrocher pour revenir à la normale ? ». Vient ensuite la crise de fracture, souvent issue d’une catastrophe naturelle. Cette dernière ne donnera jamais un futur identique au passé, il faudra passer à autre chose, se réinventer. « Les crises de fracture correspondent à un nouveau destin, mais peut-on capitaliser sur le passé ? Dans ces crises-là le coût financier est chaque fois de plus en plus lourd. Aborder ce coût financier est toujours délicat mais il faut y penser s’il faut tout reconstruire ». Enfin, covid 19 oblige, Patrick LACLEMENCE définit une dernière et nouvelle forme de crise : la crise de gestion. « Nous ne sommes ni dans une crise ni dans une gestion, mais dans une crise de gestion !  Le gestionnaire est en crise en permanence car il doit décider en permanence d’un nouveau destin. Un couloir continu, alimenté chaque jour ou presque par de nouvelles expertises. Les décideurs sont donc dans l’impasse ».

Quid de l’intelligence artificielle ?

Pour conclure son allocution, le professeur a souhaité ouvrir les débats sur le rôle de l’intelligence artificielle dans la prise de décision.

« Pourquoi ? Parce que cette dernière fait partie intégrante de notre vie. Elle apparaît partout dans notre environnement et nous apporte beaucoup de facilités. Pourtant elle n’apparaît jamais dans la problématique de la décision, alors même que cette question est de plus en plus prégnante.  Il va falloir bientôt « borner » la prise de décision, lui mettre des fenêtres de tir, surtout pour des décideurs institutionnels, qui, eux, ne peuvent pas ne pas décider ».

De quoi rappeler les fondements de la création de la chaire de recherche de l’ENSP « anticiper et agir » dont les travaux, portant notamment sur la prise de décision en environnement numérique et environnement extrême, ont pour finalité l’amélioration des conditions de travail des policiers sur le terrain !

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