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École Nationale Supérieure de la Police

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"Du trafic d’antiquités au réchauffement climatique, plongée dans le centre de recherche de la police nationale" Article Le Monde

© Colcanopa

Structure discrète rattachée à l’école des commissaires, l’organisme travaille sur les solutions à apporter aux grands enjeux sécuritaires.

A l’aide de son smartphone, un enquêteur de l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels photographie l’étrange statuette de chameau en bronze découverte, dix minutes auparavant, au cours d’une perquisition chez un particulier. Sur l’écran, une application baptisée Arte-Fact affiche sa provenance probable, précise si l’objet a été volé ou s’il appartient à une catégorie d’objets qui ne doivent pas circuler et fournit une liste d’experts à contacter, en un seul clic.

« Notre solution est fondée sur des outils de rapprochements entre objets , explique Patrice Le Loarer, président de la société Parcs, qui a développé l’application. Des millions d’informations sont collectées dans des bases de données et alimentent notre logiciel, qui émet également des alertes sur les objets dont la circulation est interdite. » Arte-Fact, qui exerce une veille automatique sur requête d’un utilisateur, est fondé sur un modèle en constante évolution, qui permet aussi de scanner les offres consultables sur des sites marchands et analyse des marchés illégaux émergents. L’enjeu n’est pas anodin : d’après Interpol, le pillage du patrimoine culturel fournirait « la source de revenus la plus répandue et la plus rentable pour les groupes terroristes » au Proche-Orient avec le trafic de pétrole et les enlèvements contre rançon.

Conçu dans le cadre d’un projet européen baptisé « H2020 Prevision », auquel ont été associés vingt-huit industriels, universitaires, forces de sécurité intérieure et centres de recherche de treize pays de l’Union européenne, Arte-Fact a été en partie élaboré sur les prescriptions des spécialistes du centre de recherche de l’Ecole nationale supérieure de la police, qui forme les commissaires à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône).

Malgré une décennie d’existence, cette structure discrète fait peu parler d’elle, y compris au sein de la police, où l’on ignore souvent qu’une ingénieure en biologie, un spécialiste de la criminalité russophone, une chargée de gestion de projets, un expert en génétique travaillent ensemble, au quotidien, pour développer des projets sur des axes de recherche répondant aux besoins exprimés au plus haut niveau de l’institution.

« Développer des regards croisés »

« Depuis sa création il y a dix ans, l’idée reste la même : associer policiers et ingénieurs pour développer la recherche scientifique appliquée aux problématiques de police » , résume Didier Rosselin, l’actuel directeur du centre, créé en 2013 par le directeur général de la police Frédéric Péchenard sous l’impulsion de Patrick Laclémence, ancien commandant d’unités de CRS et… professeur de sociologie à l’université de technologie de Troyes. Ce policier atypique a repris ses études en 1989 à la suite du drame du stade du Heysel, en Belgique, où un mouvement de foule avait causé la mort de 39 personnes à l’occasion d’un match de football le 29 mai 1985.

En multipliant les échanges avec des collègues et des chercheurs étrangers, il découvre la culture britannique, où « la pratique universitaire est étroitement liée au monde professionnel » . Or, explique M. Laclémence, « pour développer des regards croisés, faire preuve de créativité et proposer des réponses adaptées aux problématiques de l’expertise et de la décision » , la création de centres de recherches pluridisciplinaires « est primordiale » .

En association avec des établissements d’enseignement supérieur et des organismes scientifiques, comme les universités de Lyon-II et Lyon-III, d’Annecy, de Rennes, de Savoie ou de Strasbourg, l’institut de recherche informatique de Toulouse, l’Agence nationale pour la recherche ou le Commissariat à l’énergie atomique, les projets scientifiques menés à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or concernent aussi bien le bioterrorisme que la constitution d’une base de données des marchés publics pour établir des recoupements en matière de corruption ou le développement d’outils d’intelligence artificielle afin de discerner les effets du choc économique sur la délinquance.

« Lorsque l’on regarde l’ensemble de ces champs disciplinaires, on ne peut même pas imaginer le degré de complexité technique, juridique et éthique auquel on se trouve confronté, fait valoir Philippe Puginier, commandant de police. Mais plus on mène de projets, plus on installe notre crédibilité. » Et, accessoirement, note François Briat, spécialiste de biologie et chargé du montage de projets, « cela change aussi le regard qu’on peut nourrir sur la police, ses missions, sa réalité » .

Combler le retard français

Cette année, un classement établi par le Service communautaire d’information sur la recherche et le développement, un organisme dépendant de la Commission européenne, a placé le centre de recherche à la dix-neuvième place sur 209 structures évaluées au titre du programme « H2020 » pour ses performances et son ratio entre projets présentés et retenus.

En se dotant du centre de recherche, la France a surtout comblé une partie de son retard sur d’autres pays, où les liens entre la sphère académique et le secteur de la sécurité sont plus solidement établis, à l’image de l’Allemagne où il n’est pas rare de rencontrer des commissaires titulaires d’une thèse.

« Le déficit de culture scientifique n’est, hélas, pas propre à la police mais concerne la société française dans son ensemble, estime Catherine Bréchignac, présidente du conseil scientifique du centre et ancienne présidente du CNRS, désormais secrétaire perpétuelle honoraire de l’Académie des sciences. Aujourd’hui, le centre de l’Ecole nationale de la police contribue à rétablir l’équilibre, avec des projets extrêmement poussés en matière d’informatique, de cryptographie, d’analyses ADN appliquées à la morphologie. » Afin de répondre aux enjeux actuels, les chercheurs tournent désormais leurs regards vers des matières dont l’intitulé en dit long sur les risques sécuritaires jugés immédiats. Parmi les treize projets de recherche en préparation, cinq concernent les risques nucléaires, bactériologiques et chimiques ou les effets du réchauffement climatique.

Antoine Albertini

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/11/du-trafic-d-antiquites-au-rechauffement-climatique-le-centre-de-recherche-de-la-police-nationale-essaie-d-anticiper-les-crises_6181541_3224.html

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