Le tour du monde des polices - épisode 11 : Le Niger

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Monsieur Moussana Ouhada nous présente son pays, le Niger, sa police, et revient sur les temps forts de sa carrière. En terminant avec humour par quelques conseils de survie en milieu désertique...

Pouvez-vous résumer votre carrière ?
"J'ai intégré la police nationale en 1998 dans le cadre des accords de paix du 24 Avril 1995 entre le gouvernement du Niger et la coordination de la résistance armée (CRA). Après avoir suivi la formation initiale de 1998 à 2000, j'ai servi successivement :
De 2000 à 2003, à la direction de la protection des hautes personnalités (DPHP) à Niamey.
De 2003 à 2010, à la sécurité publique dans trois départements du sud Konni, Madaoua et Mirriah en tant que directeur départemental de la police puis directeur régional, adjoint de Zinder non loin de la frontière du Nigeria.
De 2010 à 2012, j'ai exercé les fonctions de commissaire au commissariat spécial de l'aéroport international Diori Hamani de Niamey.
De 2012 au jour de mon départ pour l'ENSP, j'assurais les fonctions de commissaire du commissariat du 2ème arrondissement de Niamey.
J'ai également effectué des stages à l'étranger, notamment :
- En 2002 au Caire (Egypte) dans le domaine de la protection des hautes personnalités et des installations vitales.
- En 2005 en Louisiane (Etats-Unis) pour une formation dans le cadre de la lutte anti-terroriste : « Crisis Response Team training Course »
- En 2012 à Casablanca (Maroc) sur le thème : "Etendre l'utilisation des outils Interpol pour la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel".
Votre passage à l'ENSP va-t-il être un accélérateur de carrière ?
Le passage à l'ENSP est important dans ma carrière car c'est un plus dans l'acquisition des connaissances et d'échanges d’expériences. L'ENSP met à notre disposition plusieurs outils. Une fois de retour dans nos pays respectifs, il convient de voir lesquels utiliser, quand et comment, les utiliser en tenant compte de nos textes et nos réalités socioculturelles. Avec un peu de discernement, on peut se faire un chemin pour sa carrière en s'imposant par son savoir-faire et son savoir-être, dans un environnement professionnel souvent hostile à toute réforme.
Que pouvez-vous nous dire sur les différences entre la police nigérienne et la police française ?
Les différences portent sur la capacité à s'adapter à la démocratie, sur la législation et sur les moyens matériels. Comme toutes les polices des pays africains, la police du Niger continue de bénéficier de cette "marge de manœuvre de coercition" qui n'est pas inscrite dans le code de procédure pénale, mais qui reste une pratique de dissuasion à l'égard des délinquants. Les textes régissant les missions de la police au Niger sont inspirés des anciens textes français. Les moyens matériels de la police nigérienne sont modestes par rapport aux moyens matériels modernes de la France.
Quels sont les enjeux d'avenir pour la police nigérienne ?
Les enjeux d'avenir sont la lutte contre la criminalité transfrontalière et le terrorisme. Ces menaces au Niger se résument aux phénomènes suivants :
- Les réseaux de la contrebande de drogue et d'armes en transit sur notre territoire.
- Le transit des clandestins ouest africains en partance pour l'Europe via le Maghreb.
- Les incursions des groupes djihadistes affiliés à l'international, terroristes basés dans certains pays voisins comme la Libye et le Mali.
Mon pays partage une frontière de 1500 kms avec le Nigeria où sévit la secte Boko Haram. Aucun pays seul ne pourra faire face de façon efficace à ce phénomène ; cela nécessite la conjugaison des forces des pays voisins et de la communauté internationale, et tout particulièrement, l’appui de la France et des États-Unis pour faire face à ces menaces.
Quel est le souvenir le plus marquant de votre carrière ?
Des dunes de sable de mon désert natal aux vagues de Katrina que j'ai vues en Louisiane en passant par les pyramides d'Egypte que j'ai visité, le souvenir le plus marquant de ma carrière retenu est ce jour du 15 mai 2014… Jour où j'ai présenté mon pays et sa police dans cette prestigieuse École Nationale Supérieure de la Police de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, dans un décor authentique de ma région natale découvert avec enthousiasme par mes collègues de la 65ème promotion.
Enfin pour conclure, je vais apporter ma contribution à l'ENSP, lieu d'échanges d’expériences par excellence.
En tant que guide de la 65ème promotion dans le désert du Tenere, je vous transmets les trois articles fondamentaux en la matière.
1 De l'orientation : dans le désert, l'homme s'oriente avec les éléments de la nature (couleur de sable, la journée à l'aide du soleil, la nuit à l'aide des étoiles).
2 Des points d'eau : dans le désert, l'homme doit avoir de façon permanente en mémoire la carte de tous les points d'eau.
3 Du secours ou pacte du désert : dans le désert, l'homme a l'obligation morale de porter assistance à toute personne en difficulté (allié comme ennemi).
Je remercie tout le personnel de l'ENSP, les élèves commissaires, les auditeurs étrangers et les étudiants Master.
J'adresse une mention spéciale pour ces remerciements aux deux ambassadeurs du désert du Tenere, il s'agit de monsieur Yannick Gascard et madame Audrey Jeandel."